Une statuette du même
                                                          personnage, peut-être un peu plus tardive, est conservée dans
                                                          la collection Essen (inv.8601. vol.IIn°173.). Sur celle ci, l'inscriptionle
                                                          désigne comme rGod-bya- gtang ras-chen, variante du nom sous le lequel
                                                          il sera le plus connu, à savoir rGod-tshan ras-pa sna-tshogs ran-grol.  
                                                          On n'a que très peu d'informations sur lui, si ce n'est qu'il est l'auteur
                                                          de la principale biographie de son maître, Grub cten gtsang he-ru-ka
                                                          (gTsang-smyon), dont il devint un des sept principaux disciples vers 1503-1504,
                                                          et qu'il a laissé plusieurs ouvrages de la lignée Ras-chung
                                                          Kagyupa. Selon L. Chandra qui a étudié son oeuvre, rGod-tshan
                                                          ras-pa se ferait remarquer par son dédain des conventions littéraires
                                                          tibétaines, du style, et de l'orthographe. Il faut certainement voir
                                                          en celà, une m anifestation volontaire du principe smyon-pa de folie,
                                                          de marginalité, et d'anti-conformisme.  
                                                    Au delà de
                                                      la personnalité du portraituré, il est intéressant de
                                                      noter, que nous sommes ici en présence d'une oeuvre éxécutée
                                                      du vivant du sujet, ce qui est relativement exceptionnel dans l'art tibêtain. 
                                                      Si les sourcils froncés, et les yeux légèrement exhorbités 
                                                      essaient de marquer l'aspect courroucé allant de pair avec l'épithéte 
                                                      he-ru-ka, le nez, la bouche, les oreilles, et les boucles de cheveux sur les
                                                      tempes pourraient bien être des détails anatomiques appartenant 
                                                      réellement à rGod-tshan-pa lui même.  
                                                  Ce portrait présente
                                                    de nombreuses analogies avec plusieurs représentations de gTsang-smyon,
                                                    (une étant passée sur le marché Londonien en 1981),
                                                    mais principalement avec un bronze publié par D. I. Lauf dont la dimension
                                                    n'est malheureusement pas indiquée. Les deux pièces ont en
                                                    effet de nombreux points communs, notament dans la structure générale
                                                    du socle, le traitement de la peau animale qui le recouvre, le décor
                                                    de la ceinture de méditation et du pagne, et le visage un peu rond.
                                                    Ces similitudes peuvent laisser supposer que (si les deux oeuvres ne sont
                                                    pas de la même main), celle publiée par D. I. Lauf pourrait
                                                    être l'assez fidèle réplique d'une pièce éxécutée 
                                                    en même temps et par le même artiste que la nôtre.  
                                                  L'inscription nous
                                                    informe enfin que la statuette aurait été érigée
                                                    par un dénomé Chos-kyi 'od-zer. Il n'est pas aisé de
                                                    déterminer si ce dernier a été le sculpteur ou le commanditaire
                                                    de la pièce. Il n'est pas impossible qu'il ait été les
                                                    deux à la fois Le seul Chos-kyi tod-zer contemporain de cette statuette
                                                    dont on retrouve une trace, est un moine dont nous ne savons quasiment rien,
                                                    mais qui selon le Professeur Tucci, a dû être suffisament important
                                                    pour obtenir de l'empereur de Chine, en 1510, un des titres de Fawang ou
                                                    "rois du dharma".   
                                                  Peut être
                                                    s'agit-il d'un des multiples noms peu répandus d'un personnage plus
                                                    connu, qui admiratif de gTsang-smyon et de ses enseignements, mais ne pouvant
                                                    peut-être pas l'affirmer haut et fort pour des raisons religieuses
                                                    évidentes, se serait camouflé derrière un des ses "noms
                                                    secrets". Il est à souhaiter que des dépouillements de textes
                                                    à venir apportent bientôt une solution à cette énigme, 
                                                    nous permettant enfin de savoir si ce Chos-kyi 'od-zer peut être le
                                                    donateur de cette sculpture.  
                                                  Quoi qu'il en soit,
                                                    vu ses grandes qualités plastiques, et surtout si comme on peut le
                                                    supposer, cette oeuvre faisait partie d'une série autour de gTsang-smyon,
                                                    elle n'a pu voir le jour que dans un certain milieu, suffisament versé
                                                    dans la religion pour apprécier le mouvement smyon-pa, et suffisament 
                                                    aisé pour s'offir les services d'un artiste de talent.   |